6 questions pour embaucher un Ingénieur

Quel que soit le métier dans lequel vous évoluez, l’épreuve de l’entretien d’embauche est un passage obligé pour le candidat. Ils se préparent du mieux qu’ils peuvent, il existe des ouvrages pour cela. Mais il est moins courant de voir les recruteurs se préparer (sauf pour les personnes appartenant à un service de Ressources Humaines).

Et pourtant, les “techniciens” aussi rencontrent des candidats (l’oeil des ressources humaines ne peut suffire). Après quelques années, on a un portefeuille de questions ou de demandes qui permettent de se faire une bonne idée de l’adéquation du candidat au poste. Voici mes propres acquis dans ce domaine (en excluant les sujets relatifs à tel ou tel poste).

Qu’attendez-vous de votre supérieur hiérarchique ? On sait généralement ce que l’on attend du candidat, mais on découvre trop souvent après l’embauche que celui-ci (ou celle-ci) a aussi des attentes qui, si elles ne sont pas remplies, risquent de mener à une mauvaise ambiance ou à des incompréhensions. Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise réponse à une telle question, mais selon la manière dont opère le service où va s’insérer le poste, il est important de ne pas rencontrer d’opposition trop nette (“j’ai besoin que l’on me fasse confiance” ne va pas être une réponse rassurante face à un chef de service qui a tendance à materner son équipe, par exemple). Il faut donc aussi préparer cette question en se posant la question des points saillants (ni forts ni faibles, mais notables) du fonctionnement du supérieur hiérarchique (en particulier, si vous êtes cette personne).

Décrivez votre projet professionnel dans 10-15 ans. Il est souvent facile de se projeter 3 ans en avant. Mais plus la perspective est longue plus c’est difficile. Et, pourtant, c’est un objectif critique pour un ingénieur qui va devoir faire des choix stratégiques continus tout au long de ses 40-50 ans de carrière. Je préfère un projet clair mais distinct de l’entreprise qui recrute (“je veux créer mon entreprise”, par exemple), si cela est étoffé par une trajectoire qui coïncide avec elle pendant plusieurs années, ou un projet clair et ambitieux (“je veux prendre votre poste dans 7-8 ans parce que…”), à l’un des deux cas suivants :

  • “je veux avoir des responsabilités” : cela sera automatique si le candidat a quelques qualités propres, cela ne constitue pas un projet de carrière.
  • “je ne sais pas ; qu’est-ce que votre entreprise propose ?” qui ne mènera peut-être qu’à des insatisfactions puisque l’entreprise devrait deviner en permanence ce qui est bon pour cet ex-futur employé.

Pourquoi avez-vous choisi votre école/formation/dernière entreprise ? Même si les études d’ingénieur sont souvent le résultat automatique d’une excellente scolarité masculine (va pour le poncif stéréotypé !) il est heureux de rencontrer des ingénieurs qui savent pourquoi ils travaillent. Il n’est sans doute pas très utile de poser la question de la formation à un ingénieur de 50 ans, mais le choix de telle ou telle entreprise peut être très révélateur.

Si vous êtes embauchée, que pourrait faire (ou ne pas faire) dans 3 ans notre entreprise pour vous fâcher au point de vous pousser à démissionner ? Et oui ! A l’embauche on peut aussi se poser la question de la fin du chemin en commun. Les critères personnels sur ce qui fait la stabilité de l’emploi ne sont pas seulement ceux qui mènent à entrer dans une entreprise mais aussi ceux qui mènent à en sortir. Bien entendu, cela peut être une extension de la traditionnelle question “pourquoi avez-vous quitté telle ou telle entreprise qui apparaît sur votre CV ?” et les critères ainsi énoncés peuvent aisément se combiner. Mais attention tout de même, une telle formulation surprend souvent beaucoup les candidats et la quasi-absence de réponse peut n’est pas nécessairement un indice significatif.

Qu’est-ce qui fait une bonne synthèse d’activité ou un bon rapport d’avancement ? Dans presque tous les cas, vous serez amené à déléguer des activités et à demander un rapport synthétique régulier. Deux situations peuvent se présenter :

  • Le reporting est très codifié dans votre entreprise/service : il est important de déterminer si le candidat en comprendra facilement les tenants et aboutissants et si l’information ainsi délivrée sera facilement exploitable (il n’y a pas que la forme du rapport d’avancement qui compte).
  • Votre entreprise/service laisse beaucoup de flexibiltié en termes d’information remontée hiérarchiquement ou fonctionnellement : le candidat devra malgré tout trouver moyen de remplir les objectifs de lisibilité, de synthèse, de précision qui sont toujours ceux de cet exercice ; n’oubliez pas qu’en période de forte pression, d’urgence/crise, de vacances, etc. vous ne disposerez que de très peu de temps pour vous tenir informé complètement des activités de votre futur subordonné. Saura-t-il vous décharger suffisamment et suffisamment bien pour que vous lui fassiez entièrement confiance ?

Evidemment, la question elle-même impose de savoir répondre de manière synthétique. Donc, même la manière de répondre est importante dans un tel contexte. Mais chaque cas présente ses propres particularités.

Dans l’année écoulée, quel a été votre apport le plus marquant à l’entreprise dont vous êtes salarié ? (on peut varier avec le groupe de travail, le binôme de projet annuel, le service de stage, etc. pour les étudiants qui cherchent un premier emploi). Un de mes professeurs (enseignant à l’ENSEIRB provenant de l’industrie, en 1985) nous avait dit qu’un bon ingénieur se devait :

  • d’apporter une innovation par an dans son entreprise pour mériter d’être plus qu’un exécutant ;
  • d’être à la source d’un changement majeur pour son entreprise tous les 5 ans.

Il n’est jamais trop tard pour se poser la question d’en quoi avons-nous changé significativement l’entreprise dans laquelle nous travaillons au cours des 5 dernières années. Une réponse (honnête) permet de distinguer les exécutants et les change managers parmi des personnes toujours plus nombreuses qui portent toutes le titre d’ingénieur.

Quelle entreprise admirez-vous ? (sans avoir le droit de répondre par le nom de l’entreprise où se passe l’entretien). C’est une question qui présente l’avantage d’être très difficile à biaiser par le candidat. Pour deux raisons principales :

  • Répondre par le nom d’un concurrent proche permet de creuser dans la direction des écarts/différences entre ces deux entreprises et donne souvent lieu à des réponses qui permettent de comprendre ce qui pose problème au candidat s’il venait à être embauché. Je recommande aux candidats de fuir comme la peste une réponse aussi difficile à gérer. Et qui mène aussi parfois à de véritables incompréhensions.
  • Répondre par le nom d’une entreprise très différente permet de mieux comprendre les critères de l’image d’une entreprise et de sa culture professionnelle interne qui sont sensibles pour le candidat. Cela mène souvent à une conversation ouverte très féconde.

Ces questions sont une base qui peut vous intéresser pour renforcer votre capacité à analyser une candidature. Mais il doit rester clair que peu de candidats peuvent entrer dans des cases très nettement délimitées. Comme j’ai essayé de le dire, les critères fondamentaux des candidats sont importants à détecter, il n’y a que rarement des bonnes ou des mauvaises réponses. Il y a de bonnes et de moins bonnes manières de répondre.

Si vous pensez avoir d’autres bonnes questions, n’hésitez pas à nous en faire part dans les commentaires ci-dessous.

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