Migration des gnous au Masai Mara

Au mois de septembre dernier, je me suis rendu au Kenya pour aller photographier la Grande Migration : des centaines de milliers d’herbivores se déplacent avec les conditions climatiques qui rendent les pâturages plus propices en différents lieux du sud du Kenya et de la Tanzanie. C’est un phénomène rarissime sinon unique de nos jours où la civilisation a rendu ces mouvements massifs impossibles. Dans l’est de l’Afrique, cela devient de plus en plus difficile alors que l’être humain réclame une part toujours plus importante du biotope nécessaire pour soutenir ce phénomène naturel.

etendues_sauvagesDu point de vue du photographe, il s’agit d’un moment rare où les animaux se concentrent pour franchir les obstacles naturels (comme une rivière) et se déplacent sur des distances considérables. Etre presqu’assuré de croiser des troupeaux géants comme seule l’Afrique semble encore en accueillir (pensez aux bisons d’Amérique du Nord) est une opportunité écologique et photographique que l’on ne peut repousser. Je voulais en profiter depuis longtemps (j’étais déjà allé au Kenya, mais dans une période plus calme, en avril) mais l’opportunité ne s’était pas présentée. En 2008, en recherchant des informations, je suis tombé sur le site web d’Amawanda, agence de tourisme que je connaissais pas (même si le nom me rappelait vaguement quelque chose) qui distribue des voyages nautralistes et photographiques sur le site Etendues Sauvages.

migrationHonnêtement, il n’y avait pas là suffisamment pour attirer mon attention, sauf la promotion de voyages photographiques en Afrique pilotés par des photographes chevronnés comme Michel et Christine Denis-Huot ou Alain Pons (collection Les Exclusifs). Comme il y avait un voyage proposé pour un départ à quelques jours de distance avec Alain Pons en direction du Kenya spécialement à l’occasion de la Grande Migration, je me suis précipité un peu à l’aveuglette. Pour un départ le samedi matin, j’appelais le lundi à l’ouverture : “est-ce que vous avez encore des places ? est-ce que vous pourriez me réserver une de ces places ?” En 4 heures, le sujet était réglé, la réservation posée, l’accord de paiement donné, l’accord de mon chef (pour prendre des congés avec un préavis de quelques jours seulement) obtenu contre toute logique. Le samedi matin je pouvais embarquer à l’aurore.

Notez que dans de pareilles conditions, je me suis retrouvé dans un avion différent du reste de l’équipe, mais le pilotage par Amawanda s’est révélé impeccable. Seul surprise : le passage par Amsterdam (entre Paris et Nairobi) a failli se révéler plus difficile que prévu (surbooking de la compagnie) et il a fallu que je fasse intervenir ma carte de grand voyageur sur Air France-KLM pour monter dans l’avion initialement promis. Sans cela, je serais sans doute passé par Dubaï avec un délai important (et une compensation financière promise de plusieurs centaines d’euros). Arrivé à Nairobi, j’étais réceptionné sans difficulté et conduit à l’hôtel où je pourrais passer la nuit en attendant l’arrivée du reste du groupe.

Nairobi

Pas de problème, l’organisation locale établie par Michel Laplace-Toulouse (African Latitude) s’est révélée parfaite. Qui en aurait douté de la part d’un pionnier de l’accompagnement en safari au Kenya, reconnu par les meilleures agences et fréquemment sollicité par la plupart des photographes professionnels français (il suffit de voir les noms sur le tableau de réservations de son bureau pour comprendre que l’on n’a pas affaire à un amateur). Bravo à Michel et merci pour son accueil chaleureux dans les faubourgs de Nairobi.

L’équipe qui est arrivée ce dimanche matin à Nairobi comprenait des amateurs de photographie certains et des amateurs tout court. Mais tous étaient décidés à tirer le meilleur partie photographique et nautraliste de ces quelques jours. C’est important parce que des groupes moins homogènes sont parfois tiraillés entre les demandes incompatibles d’un photographe qui souhaite rester plusieurs heures en présence d’un animal immobile dans l’espoir d’une photo jamais garantie et d’un voyage plus détendu qui apprécierait davantage de nouveautés et de surprises ou des distractions moins polarisées sur la pratique photographiques. Reconnaissons que nous autres photographes sommes parfois un peu insupportables pour nos compagnons de route.

Masai Mara

masai_mara-mapNous avons rapidement pris la route pour le parc national du Masai Mara. C’est assez long (5 heures environ) mais par nécessairement inconfortable (je passe sous silence un cahot qui m’a envoyé cogner au plafond du 4×4 pour y laisser des cheveux, de la peau et quelques gouttes de sang ; les routes ne sont pas toutes identiques à nos autoroutes quand on s’éloigne vraiment de la capitale). Ne comptez pas faire de photo en route en dehors de quelques paysages des contreforts de la vallée du Rift. Les animaux sauvages ne se retrouvent pas partout dans un pays qui a une population industrieuse de presque 40 millions d’habitants.

L’arrivée au Masai Mara se fait par l’une des portes officielles et nous avons pu retrouver un camp réservé sur les bords de la rivière Talek.

Je ne détaillerai pas les journées de safari photo, mais il faut retenir quelques éléments qui me paraissent pouvoir intéresser un candidat à ce genre d’expédition :

  • Le camp dans le parc est préférable pour pouvoir être à pied d’oeuvre avec une heure d’avance sur ceux qui logent dans des lodges extérieurs (il y a aussi des lodges dans le parc à des tarifs élevés)
  • La journée photographique est rythmée par : lever avant l’aurore, départ au lever du soleil pour des photos jusque vers 10h (le milieu de la journée est moins favorable aux belles images), reprise vers 16h jusqu’au coucher du soleil, retour au camp. Selon l’organisation on peut revenir déjeuner au camp ou pique-niquer plus librement.
  • Le nombre de personnes par voiture est à surveiller pour faire des photos dans de bonnes conditions : l’animal à photographier est d’un côté (souvent à gauche), à chaque rang, on peut mettre un photographe à la fenêtre et un au toit (s’il est ouvert). Mais pas plus. Autrement, on regarde, mais on ne photographie pas. Et même dans ces conditions, il est important de rester civil pour ne pas se gêner mutuellement. Cela explique que les voyages à destination des photographes exigent plus de véhicules (et soient donc plus chers). Dans notre cas, un grand véhicule pour accueillir 5 photographes, Alain Pons et le chauffeur ; c’était bien.
Lionness

Lionne - Copyright 2008, Yves Roumazeilles

En pratique, ce mois de septembre 2008 s’est caractérisé par quelques éléments soit prévisibles, soit inattendus (pour moi) qui ont convergé pour rendre ce safari photo vraiment exceptionnel. Tout d’abord, les événements politiques de fin 2007 et début 2008 ont vidé le pays de ses touristes. Fin 2008, la situation est complètement stabilisée comme en atteste le site web du ministère des affaires étrangères qui (au moment où j’écris) s’inquiète plus de la piraterie de l’océan indien que des troubles politiques passés. Néanmoins, cela a fait appel d’air pour les professionnels. Il y avait donc pléthore de photographes réputés comme les Denis-Huot (qui y sont presque résidents), Tony Crocetta (qui a développé sa propre activité d’accompagnement de groupes photo en safari en Afrique de l’Est et dispose d’un camp de première qualité au bord de la Mara), Michel Bureau (avec sa femme, mais du côté de Mara Serena Lodge). Mieux, les équipes de tournages de la BBC avaient envahi les lieux pour filmer des épisodes considérables de Big Cats Diary (des dizaines de véhicules pour spotter les animaux intéressants). Honnêtement, la recherche d’un félin en pleine journée est souvent un sport difficile. Un léopard peut rester couché sous un buisson ou entre des rochers et vous passerez dix fois devant lui sans vous en douter. Mais quand il a été repéré une fois, la BBC laisse un spotter à demeure à quelques dizaines de mètres. Cela donne un répère infaillible et il ne reste plus qu’à demander ou à rester patiemment dans la zone pour le voir apparaître (parfois après un long moment qui peut se compter en heures plutôt qu’en minutes). Mais combinée à la densité d’animaux à l’intérieur du parc, cette situation est extrêmement favorable. La radio fonctionne impeccablement aussi bien en anglais qu’en français et en Kiswahili.

Ajoutons à cela un Alain Pons qui s’est révélé non seulement un photographe émérite, mais un conteur passionnant et un enseignant patient. Complétons avec un guide-chauffeur Sammy Kagwi que l’on ne peut que recommander (parfaitement conscient des contraintes de la photographie, adaptable au delà des exigences habituelles, agréable compagnon de voyage et toujours à l’écoute). Vous obtenez un groupe parfaitement recommandable.

Au tableau de chasse des photographes, nous avons vu 6 léopards (qui a dit qu’ils étaient difficiles à voir ; n’est-ce pas Josette ?), une chasse de gnou par trois guépards avec règlement de compte avec les hyènes, un serval, une traversée de la rivière Mara (un crossing) par un tout petit groupe de gnous et zèbres (pas plus de quelques milliers, ce qui a l’air déjà considérable) et quelques milliers de photographies allant du paysage panoramique au portrait animalier en passant par les petits oiseaux.

Zèbres de Burchell (Copyright 2008 - Yves Roumazeilles)

Zèbres de Burchell (Copyright 2008 - Yves Roumazeilles)

Le retour

Le chemin du départ est passé par un court vol entre un terrain d’aviation précaire (sous une pluie battante qui a caché un moment les merveilleux paysages de cette région) et Nairobi, suivi d’un vol régulier de Nairobi à Paris où nous avons même retrouvé Tony Crocetta qui rentrait lui aussi.

Alors que c’était mon deuxième passage dans la Masai Mara (2006 avec Alain Saunier pour Objectif Nature), voilà un voyage dont je garderai longtemps un excellent souvenir. Mieux, l’organisation a été parfaitement à la hauteur y compris lorsque une casse de train arrière a obligé à changer temporairement de véhicule et de chauffeur (certes, la photo et même le confort s’en est ressenti, mais nous n’avons pas ressenti le moindre risque ou la moindre inquiétude tant le sujet était maîtrisé).

Je vous invite à retrouver -dès que vous le pourrez- Rhino Ridge, les rivières Talek et Mara, les félins, les troupeaux d’herbivores, les hippopotames (et peut-être un des très rares rhinocéros), les innombrables oiseaux (jusqu’aux pintades), les ciels tourmentés et les levers de soleil mordorés qui font le plaisir de vivre quelques jours exceptionnels à Masai Mara.

5 comments for “Migration des gnous au Masai Mara

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